Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
322
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


cellerie eut envoyé les pièces, il rentra à Paris[1].

Cependant il demanda au premier président Mazeau d’user de son droit et de présider la Chambre criminelle. Mazeau s’y refusa[2].

Le vieux Manau n’était pas seulement, comme Lœw, un homme de devoir, mais un militant, qui avait le goût des belles batailles et rajeunissait à leur approche. Dès qu’il eût regardé aux pièces, il fut édifié, effrayé du vide affreux de l’accusation, certain aussi que les juges de 1894 n’avaient pas condamné seulement sur le bordereau ; il réclama le dossier secret[3].

Ici encore, Brisson se montra très faible. Il connaissait la misère de ces pièces, puisque Zurlinden, après Cavaignac, les lui avaient montrées ; surtout, la pernicieuse légende qui renfermait aux flancs du dossier secret la preuve du crime de Dreyfus et la guerre. Il eût fallu exiger, ordonner que Chanoine le remît à la Cour de cassation ; il le lui fit demander par Sarrien, ce qui était le plus sûr moyen de se le faire refuser.

Manau vit fort bien le jeu de Chanoine, sa complicité avec l’ancien État-Major pour que Dreyfus restât coupable et qu’à la Revision imminente la mauvaise foi et les passions pussent continuer à opposer les mystérieux documents. Il insista donc, expliquant qu’il avait pu se passer du dossier secret pour conclure à la recevabilité de la requête en revision, mais qu’il en avait besoin, avant l’audience, « pour éclairer entièrement sa conscience »[4].

Sarrien, cette fois, se rendit lui même chez Chanoine, mais pour essuyer un nouveau refus : « La sûreté de

  1. 29 septembre 1898. Enq. Mazeau, 56, Lœw ; 60 Sallantin.
  2. Enq. Mazeau, 56. En note : C’est vrai ! Signé : Mazeau. »
  3. 13 octobre 1898.
  4. 19 octobre.