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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


milieu des épreuves, n’a jamais forfait à la loi de l’honneur… J’attends votre arrêt comme l’aurore bénie du jour qui fera luire sur la patrie la grande lumière de la concorde et de la vérité. »

La Cour s’ajourna au surlendemain (3 juin) pour la lecture de l’arrêt en audience solennelle. Ce même soir[1], Zurlinden, par ordre de Krantz, fit arrêter Du Paty, qui fut conduit au Cherche-Midi. On eût pu procéder contre lui sans le mettre en prison ; il n’était pas homme à prendre la fuite ; mais, comme il était odieux et ridicule, cette brutalité ne soulèverait aucune protestation et aurait l’air d’un acte d’énergie et de justice. Quand Picquart, en mars, après le règlement de juges qui le rendait à la justice civile, avait été extrait de la prison militaire pour être ramené à sa cellule de la Santé, il avait dit en partant : « C’est pour faire une place qu’on m’emmène d’ici ; Du Paty ne sera pas long à la prendre[2]. » Le même Tavernier fut chargé d’instruire contre lui, notamment sur les accusations de Cuignet, pour faux et usage de faux, et sur celles de Picquart, qui n’étaient pas plus fondées, pour les fausses dépêches.

  1. 1er  juin 1899, à sept heures du soir.
  2. Huret, dans le Figaro du 10 juin, récit de Picquart. — Les journaux publièrent une lettre de Du Paty au ministre de la Guerre : « Depuis bientôt deux ans, je suis l’objet, dans une partie de la presse, des attaques les plus violentes. Un officier, M. le commandant Cuignet, a ramassé ces attaques et outrages et a dressé contre moi, dans l’ombre, un réquisitoire haineux que je n’ai connu que par le Figaro… Je demande des juges. » — Krantz démentit qu’il eût reçu cette lettre avant de faire procéder à l’arrestation de Du Paty ; elle ne parvint que le 2 juin au général commandant le département de la Seine, fut transmise, le 3, à Zurlinden et le 4, au ministre de la Guerre.