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DÉFENSE RÉPUBLICAINE


plus sceptiques ou les plus généreux : « La justice de la République ne doit-elle frapper que les petits[1] ? »

Zola avait été décidé par cette raison. Il était revenu, la veille, de son exil volontaire, dès le lendemain de l’arrêt de revision[2], très simplement, le brave homme modeste qu’il était quand son œuvre littéraire n’était pas en cause, nullement en triomphateur, comme beaucoup s’y attendaient. Pour tout manifeste, il fit paraître un article[3], le premier qu’il publiât depuis onze mois, où il racontait comment on l’avait fait partir pour l’Angleterre ; pourquoi, « la frontière passée », il avait poussé « l’abnégation jusqu’au silence complet », parce qu’« on ne doit parler que lorsqu’on est là pour prendre la responsabilité de ce qu’on dit » ; son grand chagrin, « quand ses conseils et ses amis s’opposèrent à son retour », après le premier arrêt de la Chambre criminelle ; enfin sa joie de rentrer avec la vérité et la justice, sa volonté de ne donner lieu à aucun trouble, car « il serait indigne de lui qu’on pût le confondre un instant avec les bas exploiteurs des manifestations populaires » ; et son anxiété de voir « l’innocent qu’il avait aidé à sortir du tombeau », de le voir libre et de lui serrer les mains. « Cette minute suffira à payer tous mes soucis. » Mais, en même temps, il se prononça pour « les sanctions pénales nécessaires », toutefois sans allégresse[4], car longtemps, il a incliné « pour le grand pardon, pour laisser les malfaiteurs sous le seul châtiment de l’éternel

  1. Jaurès, dans la Petite République du 5 juin 1899. — De même Millerand, Henry Maret, Pressensé, Urbain Gohier, Viviani, Havet, etc.
  2. Dans la matinée du 5.
  3. Aurore du 5. L’article est intitulé : Justice.
  4. « Mais il est, je crois, des sanctions nécessaires… »