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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


à celle de Bonaparte en Égypte) se trouva fort inutile. La malice faubourienne eut vite fait de deviner la pensée sournoise de Dupuy à l’égard de Loubet ; les plus batailleurs, orateurs de clubs et journalistes, n’offrirent aucun prétexte à la répression. Une seule acclamation salua le chef de l’État. Sous le clair soleil de printemps, ce mélange de force et de gaîté, qui fait les manifestations de Paris, fut plus qu’une réparation, quelque chose comme le sacre du Président par le peuple.

Pour Dupuy, il s’était porté à lui-même le dernier coup. Sa négligence, chaque fois que la vigilance eût été de mise, l’ostentation de ses excès de zèle, quand il eût convenu de dissimuler les précautions nécessaires sous un peu de confiance républicaine, achevèrent de le ruiner. On tint pour démontré qu’il se divertissait, de deux jours l’un, à livrer Loubet aux outrages des nationalistes et des « gens du monde » et à le compromettre, aux yeux du populaire, en le défendant militairement contre ses amis[1]. Il était déjà condamné quand se produisirent, au cours de la soirée, quelques-unes de ces bagarres qui sont l’habituel corollaire des jours de fête ; des manifestants s’étaient échauffés, des agents firent preuve de brutalité. Les socialistes, fort grisés par leur succès et qui s’étaient crus les maîtres du pavé, décidèrent aussitôt d’interpeller. On en chargea un ancien membre de la Commune, Vaillant, député de Charonne.

Ce fut fort laid, comme toutes les exécutions.

Dupuy ne descendit pas à désavouer sa police, revendiqua la responsabilité des dispositions qu’il avait

  1. Aurore du 13 juin 1899. — De même le Siècle, le Figaro, le Matin, la Petite République, etc.