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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


X

Les démocraties, surtout sous la forme républicaine, redoutent les gouvernements faibles, comme une proie promise à l’anarchie et au despotisme. Les socialistes et les radicaux eux-mêmes, après avoir tant contribué depuis vingt ans à diminuer le pouvoir, réclamaient maintenant un gouvernement fort. Un homme qui sût vouloir, qui ne serait pas à la remorque des événements et, pis encore, des passions, nul autre moyen de sortir de la situation où l’on s’était embourbé. Mais qui ? Dans l’effroyable consommation d’hommes qu’avait faite la République, combien peu restaient debout !

Loubet fit d’abord appel à Poincaré (13 juin).

Depuis son intervention en novembre, après son long silence, l’éloquent Meusain n’avait pas reparu à la tribune ; pourtant, le goût de l’action semblait l’avoir repris ; il avait mené dans les couloirs une vive et parfois âpre campagne contre Dupuy et ne se cachait plus de sa conviction que Dreyfus était innocent.

Il restait, de beaucoup, le premier de sa promotion politique, mais, à la fois, une énigme et une espérance : on ne savait exactement ce qui lui manquait de qualités ou de défauts pour être un homme d’État.

Il espérait l’offre du pouvoir et la redoutait, souhaita de réussir à former un gouvernement et ne s’y serait point pris autrement s’il avait voulu échouer.

    listes, du lendemain, malmenèrent Dupuy : « Il était trop habile, et d’une habileté qui sentait trop son Auvergnat. » (Lemaître.) « Il avait une manière de protéger les gens qui les avilissait. » (Cassagnac.)