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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


tout en continuant à fanfaronner, avait déchanté depuis son échec de Reuilly, où il avait voulu opérer tout seul, et que le moment était venu de lui faire accepter une action commune avec les royalistes. Bien trop avisés pour se proposer eux-mêmes comme négociateurs, ils se servirent d’un ancien député républicain, Turquet[1], qui avait tourné à la religion après s’être compromis dans le boulangisme, affilié maintenant au tiers-ordre de Saint-François, et de l’espèce de ces brouillons qui se croient nés pour les premiers rôles, acceptent toutes les besognes et, toujours agités, hannetonnant partout, sont des instruments d’autant plus commodes aux mains des grands intrigants qu’ils ne tirent pas à conséquence et qu’on les peut plus aisément désavouer. Déjà, dans les derniers temps du séjour de Déroulède à la Conciergerie, Turquet lui avait rendu visite et proposé, pour commencer, une entente avec les Assomptionnistes et leur comité « Justice-Égalité », où les royalistes avaient la haute main[2]. Les Croix et tous les journaux du furieux couvent lui furent dès lors acquis. Il se laissa rapprocher ensuite de Guérin[3], malgré le peu d’estime qu’il avait pour l’individu, de Castellane[4], malgré leur scène violente à la veille des obsèques de Faure, et, enfin, de Ramel, qui revenait de conférer avec son duc en Angleterre et qui lui offrit à la fois de l’argent et le concours des antisémites pour un coup de force, en collaboration avec les « patriotes ». Déroulède dit qu’il ajourna les

  1. Haute Cour, I, 22, 28, 29, rapport Hennion. — Turquet (audience du 8 décembre 1899) conteste qu’il ait été en correspondance avec de Ramel : « Nous étions tous des républicains et des patriotes…, etc. »
  2. Ibid., I, 22, rapport Hennion.
  3. Ibid., 27, 32, 33, etc.
  4. Ibid., 26, 30.