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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


juste quinze jours que le père Du Lac m’avait rapporté l’étrange propos de son pénitent « sur le peloton d’exécution qui l’attendait[1] ».

Comme le cas de Mercier était le même que celui de Boisdeffre, la promesse de Galliffet le couvrait également. Par précaution, Mercier fit rappeler à Galliffet « qu’il l’avait sauvé », en 1894, lors de l’interpellation de Grousset[2].

Plus l’échéance approchait, plus le procès s’annonçait comme le duel de Mercier contre Dreyfus. Ce témoin, qui allait jurer de parler sans haine, non seulement fourbissait ses armes, mais les empoisonnait.

Tout le mois qui précéda l’ouverture des débats, il poussa sa double opération : déclarer publiquement qu’il dira tout au conseil de guerre, qu’il y sortira, quoi qu’il doive en résulter, la révélation décisive, et faire circuler en souterrain que c’était le bordereau annoté.

L’annonce (pour la dixième fois) d’un « coup de massue » eût dû paraître une vieillerie ; cependant, le simple raisonnement que, s’il existait de telles preuves, qui ne fussent pas des faux, elles auraient été administrées depuis longtemps, toucha seulement les partisans de Dreyfus. Pour tous les autres, qu’ils fussent de bonne foi ou de parti pris, instruits ou non de la preuve mystérieuse, la promesse de Mercier remit tout en question.

Alors que le bordereau annoté n’aurait pas été inventé par Henry et Esterhazy[3], mais que l’abomi-

    s’était prononcé, en effet, contre les représailles, qu’il n’avait pas changé d’idée, mais qu’il avait une responsabilité, ainsi que le disait la note, dans les actes du ministère dont il faisait partie ».

  1. Voir p. 148.
  2. Éclair du 25 juin 1899. Mirman y revint longuement dans son discours du 26. — Voir t. Ier, 10.
  3. Voir t. Ier, 349 ; II, 580 ; III, 396 ; IV, 237, etc.