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RENNES


lement muni[1] ; la justice elle-même s’avancera avec lui à la barre[2]. »

Mathieu Dreyfus, qui ne s’était jamais payé de beaucoup d’illusions et qui savait voir, écouter et se renseigner, n’avait pas attendu la fin des audiences à huis clos pour considérer la situation comme « très grave ». Il m’écrivit[3] « qu’il redoutait le pire » et qu’il n’y avait qu’un moyen, un seul, de sauver son frère, c’était d’obtenir du gouvernement allemand « l’une ou l’autre des preuves absolues qu’il avait du crime d’Esterhazy », par exemple les notes du bordereau[4].

Il ne s’ouvrit toutefois de ses craintes qu’à quelques-uns et, sans dissimuler que la bataille serait rude, s’appliquait à rassurer ceux des revisionnistes qui, partis pour Rennes comme pour une facile victoire, y avaient trouvé, à leur étonnement, un ennemi plus implacable que jamais, une atmosphère irrespirable de parti-pris et de haine, et en étaient déjà aux récriminations qui sont l’ordinaire présage des défaites. Havet professait que Mercier « devrait être déjà entre quatre gendarmes ».

    et qui fut reproduite par la Libre Parole. On fit courir également le bruit que Mercier raconterait que la femme Bastian avait signalé Dreyfus avant la découverte du bordereau. C’est, à peu près, ce qu’elle raconta au second procès en revision.

  1. Liberté du 12 août 1899.
  2. Gaulois du 12. (Voir p. 34.)
  3. 8 août.
  4. Il m’écrivit encore le 10 : « La meilleure solution, qui dissiperait toutes les obscurités, ce serait la remise par l’Allemagne d’une ou de deux notes du bordereau, et d’une note postérieure à 1894. Un document postérieur, de l’écriture d’Esterhazy, est indispensable, afin que l’on ne nous dise pas que les notes du bordereau, communiquées par l’Allemagne, sont de l’écriture de Dreyfus, puisque le bordereau émane de lui ; car ils en sont là. »