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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Un autre incident fit apparaître le pli qu’il avait gardé de son ancienne servitude militaire. Comme il venait de s’expliquer, avec quelques réticences qui parurent des insinuations, sur les fonds secrets de la Guerre, Billot, qui savait quels bruits en couraient, s’élança à la barre et le rappela, d’un ton sec de commandement : « Ici, monsieur Picquart[1] ! » Et, mécaniquement, Picquart obéit, écouta sans mot dire la protestation vibrante du vieux comédien, s’inclina, ne frémit qu’après.

Là, encore, beaucoup ne comprirent pas que ce qu’il y avait de plus touchant chez Picquart, c’est qu’il restait soldat dans les moelles, comme Dreyfus, malgré la dure injustice des soldats. Des années après, alors que, par la grande erreur de sa vie, il aura refermé la porte qui se rouvrait pour lui vers l’armée, il s’écriera, au spectacle d’une radieuse journée d’automne : « Quel beau temps pour les manœuvres ! »

Il ressentit, comme une autre injure, le « monsieur

    l’occasion de l’arrivée du Tsar à Paris, une pièce avait été donnée à la Section de Statistique, où nous avions le droit de venir nous-mêmes avec notre ménage. Le colonel Picquart, montrant par là le mépris qu’il professait pour tous les officiers de son bureau et leurs ménages, a amené là une personne dont ce n’était pas la place, en face de Mme Henry, de ma femme et de Mme de Pouydraguin… Picquart : Je proteste absolument… Lauth : On a su, après un procès qui a eu lieu récemment, ce qu’il en était. » (L’incident est du 6 septembre 1899. de l’avant-dernière audience des débats.)

  1. Écho de Paris du 21 août ; Barrès, 189, etc. Cela fut entendu de toute la salle. Au compte rendu sténographique : « Je demande à dire un mot et je prie M. Picquart de rester là. » (I, 566). — Billot affirma que, sur les 100.000 francs alloués exceptionnellement, en 1896, au service des renseignements (voir t. II, 282), Picquart en dépensa lui-même 20.000. au cours de l’exercice, et Gonse 40.000. en 1896 et 1897. Restaient 40.000 francs que Freycinet fit liquider par le Président de la République.