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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


s’installent sur les hauteurs qui le dominent et, à un signal, tirent en l’air des coups de fusil qui réveillent les dormeurs.

Chanoine, d’un bond, fut sur eux, hurlant des menaces et le pistolet au poing. Depuis six mois qu’il les grisait de meurtres et de viols, il ne les avait pas moins maltraités ; à la moindre faute ou pour un caprice, il faisait battre à mort, mutiler ou pendre. Tous ces misérables l’avaient en exécration. À son cri : « Bas les armes ! » ils répondent par une décharge. Il tombe, mais vivant encore. Ses propres spahis le supplicièrent atrocement, à coups de sabre et de fouet, comme il avait lui-même coutume de faire et avec tous les raffinements qu’il leur avait appris.

Pendant ce temps, Voulet s’était enfui dans la brousse avec la concubine favorite de Chanoine. Il y erra toute la nuit, désespéré, torturé par la faim. Vers le matin, il revint au camp, essaya de parlementer avec un factionnaire sénégalais qui le fusilla à bout portant.

Les sous-officiers blancs, que Voulet avait retenus, ramenèrent alors la colonne à Nafouta où ils trouvèrent Meynier, qui se remettait de sa blessure, et les deux lieutenants de la mission qui l’avaient décidé à reprendre avec eux l’entreprise interrompue. Ils promirent aux noirs le pillage du pays de Zinder et tinrent parole[1].

Évidemment, crime seulement de deux hommes, et du soleil africain. Mais c’est aussi une loi des choses que l’héroïsme d’un seul grandit une armée et une nation.

  1. Rapport Lamy.