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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


C’eût été si certainement le salut que les journaux de Mercier, se méfiant du coup, s’essayaient déjà à le parer, et s’en prenaient à Zurlinden pour avoir dit des notes du bordereau « qu’elles étaient la clef du procès[1] », (sur quoi Dreyfus, comme on s’en souvient, avait demandé aussitôt qu’on les réclamât). Les Allemands seraient gens à communiquer des pièces apocryphes, ou qu’ils auraient fait écrire plus récemment par Esterhazy. Au surplus, même si elles étaient démontrées authentiques et contemporaines du bordereau, Dreyfus n’en restait pas moins un traître[2]. Et ces vilenies étaient à deux tranchants : discréditer les notes par avance ; empêcher l’État-Major allemand de les livrer (pour éviter de nouveaux outrages à l’Empereur et un incident diplomatique).

Waldeck-Rousseau connaissait trop bien les gens de Mercier pour supposer qu’ils ne mettraient pas leurs menaces à exécution ; seulement, cette fois, il sera armé contre eux, puisque l’accusation de faux contre l’Empereur allemand se doublera d’une accusation d’usage de faux contre le gouvernement français et que, dès lors, il pourra saisir lui-même les tribunaux et prévenir de la sorte toute mise en demeure de l’étranger. Il hésita cependant et, précisément, pour la même raison qui faisait l’espérance de Mercier : la crainte d’un refus. Il faut avoir du pour et du contre dans l’esprit. Il en avait beaucoup, mais aussi la plus haute idée de ses devoirs. Il s’agissait à la fois de ne pas compromettre les bons rapports avec l’Allemagne, dans une affaire aussi

    et le seul. » (20 août 1899.) À cette date, Waldeck-Rousseau avait déjà agi ; il m’écrivit : « J’ai fait tout ce qui pouvait être fait pour obtenir le nécessaire et j’attends la réponse. »

  1. Rennes, I, 205, Zurlinden. — Voir p. 378.
  2. Écho du 26 août, Éclair, Libre Parole, etc.