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RENNES


dant la politique allemande ne doit pas seulement compter avec le gouvernement français tel qu’il existe », mais aussi « avec les forces nationales de la presse qui, par leur inimitié et leur effort de se faire valoir, troublent la paix de leur propre pays, et qu’on comprend sous le nom collectif d’opinion publique ». Or, la presse, à propos de « la question Dreyfus », « a discuté de telle façon l’Allemagne, et surtout la personne du souverain », qu’il en résulte pour le gouvernement impérial la conviction « qu’aucun fait ou qu’aucune personne introduits par lui dans les débats ne sauraient trouver une appréciation impartiale » ; il a donc « le devoir d’éviter autant que possible toute complication ultérieure » et « n’est pas en mesure d’examiner s’il pourrait fournir, en dehors de la déclaration faite au Parlement par le secrétaire d’État, d’autres éléments pour éclairer l’affaire Dreyfus ». — Telle est « la manière de voir de Sa Majesté qui suit avec attention les symptômes, souvent dignes d’être observés, de ce procès ». Pour le Secrétaire d’État, « il exprime, personnellement, son vif regret qu’il ne lui ait pas été donné de pouvoir rendre service à un gouvernement dont la lutte difficile pour la justice et la vérité lui inspire les sympathies les plus sincères » ; « il est persuadé toutefois que cette lutte ne peut être menée à bonne fin que par des forces exclusivement françaises ». (30 août.)

Quand Waldeck-Rousseau reçut communication de cette réponse, il en éprouva une grande tristesse, à la pensée de Dreyfus qui perdait sa meilleure chance, et aussi de tout le mal que la presse pourrait causer encore, et dans des circonstances encore plus graves. Si l’Empereur allemand faisait preuve de peu de générosité, il ne manquait, par contre, ni de prudence ni d’ob-