Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/481

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RENNES


fort misérable[1], il ne s’ensuit pas que les Wessel aient inventé après coup toute la seconde partie de leur version. Quesnay ou Brücker, à défaut de Przyborowski, ont pu indiquer Cernuski à Mareschal. Le faux Serbe, comme on le verra tout à l’heure, n’a pu tenir les noms dont il étayera son imposture que de Mareschal, de Brücker ou du Polonais. Les officiers du bureau, furieux que Galliffet leur ait fait défense de s’occuper de l’Affaire et s’efforçant par tous les moyens d’y rentrer, se sont-ils désintéressés du principal témoin de Quesnay ? Ils cherchèrent, selon toute vraisemblance, à le diriger. On ne lui fit pas son témoignage ; on le mit au point.

Si on lui donna quelque argent sur le reliquat de l’affaire Austerlitz, ce fut peu de chose. D’autres dépenses secrètes, dont j’ai parlé précédemment, étaient plus pressantes.

L’entrevue de Mareschal avec Przyborowski est au plus tard du 19 août, probablement du 18[2]. Le 20, Cernuski se décida enfin à couper les ponts derrière lui, à écrire lui-même, ce qu’il s’était refusé à faire jusqu’alors, à Jouaust. La lettre de sa femme, du 15 août (à la veille du voyage en Suisse), est, dit-il,

  1. Procès Dautriche, 663, Montéran, et rapports de police. — À l’hôtel de Castille, rue Cambon, où il logea avant et après le procès de Rennes, il laissa environ 2.000 francs de dettes.
  2. Ibid., 550, Wessel, déclaration de mai 1900 à Nice : « Peu après l’arrestation de Mosetig, en août 1899, Przyborowski avait rencontré le capitaine Mareschal et le chef du service des renseignements. Ces deux messieurs rentraient de Suisse. » Comme le voyage des deux officiers ne fut connu du public qu’en 1904 (Enquête de la Cour de cassation), la véracité de Wessel sur ce point n’est pas contestable. — Cass., IV, 194 : « Il y a quelque chose qui est pourtant grave, dit le procureur général Baudouin, et qui accrédite les dires de Wessel, c’est que ceux des renseignements par lui fournis qui ont pu être contrôlés ont été reconnus exacts. »