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RENNES


ments sur le témoin », il s’effaroucha, répliqua qu’il avait craint « de pousser trop loin » — aux parages dangereux — « les investigations de la justice[1] ».

C’était breveter le faux Serbe « ami sincère de la France[2] », authentiquer l’imposture.

Les avocats, sur Le huis-clos, ne dirent pas ce qu’il eût fallu : à savoir que Cernuski était fondé à garder pour l’audience secrète les noms du diplomate et de l’officier qui lui avaient montré celui de Dreyfus sur une liste d’espions, mais que ces autres espions, il fallait qu’il les nommât à l’audience publique, et tout de suite : ou c’étaient des misérables qu’il importait de démasquer au grand jour, ou des innocents, et ce serait la preuve de la machination ; nul moyen de contrôle plus efficace[3]. On convint seulement d’ajourner le huis-clos au surlendemain pour que Cernuski, régulièrement assigné, déposât sous serment et devînt ainsi passible des lois sur le faux témoignage.

Cependant Labori essaya d’une contre-attaque, avec ce don d’offensive qui était sa qualité maîtresse, mais sans prendre au préalable conseil de Demange, parce qu’il s’était fait un point d’honneur de ne plus consulter personne et de s’en fier à sa seule inspiration. Comme il avait été laissé dans l’ignorance des démarches de Waldeck-Rousseau pour avoir les notes du bordereau, il s’imaginait qu’on n’avait rien tenté à Berlin, imputait cette prétendue inaction à la peur ou à d’obscures arrière-pensées, et projetait, depuis plusieurs jours, de reprendre lui-même l’affaire, avant la fin du pro-

  1. Rennes, III, 315, Carrière.
  2. Écho de Paris, Éclair, etc., du lendemain. — Lettre de Gast : « Ces histoires frappent le conseil de guerre. » (4 septembre 1899.)
  3. C’est ce que dit Clemenceau (Aurore du 7).
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