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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


secret[1]. En tout cas, ce fut, pour Mercier, la solution la meilleure de l’incident. Il restait dans les esprits que Cernuski avait reçu des confidences allemandes et que sa maladie (ou sa fuite) ne déplaisait pas à Dreyfus (7 septembre).

Labori revint alors à sa proposition de ne pas clore les débats sans avoir recueilli les témoignages de Schwarzkoppen et de Panizzardi. N’ayant reçu de réponse ni de l’un ni de l’autre, il s’était résigné à comprendre que « des raisons d’ordre public » s’opposaient à leur comparution personnelle ; il pria donc Jouaust de leur faire parvenir d’urgence des commissions rogatoires, « parce que c’était le moyen décisif de faire éclater la vérité ».

Jouaust, tout à l’heure, va voter l’acquittement de Dreyfus. Maintenant, l’issue du procès dépend de lui. Ou, tout au moins, il était permis d’espérer que des soldats hésiteraient, réfléchiraient, avant d’écarter la parole d’autres soldats, jurant sur l’honneur. — Personne, en temps de guerre, ne l’eût mise en doute. — Jouaust, de son ton le plus bourru, répondit : « Je ne crois pas devoir donner suite à la demande de la défense », et sans en dire d’autre raison que son pouvoir discrétionnaire, le même qu’il avait exercé en faveur de Cernuski[2].

Mais Labori s’obstina. D’abord, il déposa des conclusions au même effet, c’est-à-dire qu’il faisait le conseil lui-même juge de la question ; puis, quand le conseil se fut déclaré incompétent (le président ayant seul qualité pour ordonner une commission rogatoire), il demanda encore à Jouaust s’il maintenait sa décision

  1. Rennes, III, 574, Carrière.
  2. Ibid., 516, Labori ; 517, Jouaust.