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RENNES


ment ». Sans doute, Freystætter a essayé récemment d’expliquer au colonel que ce juif n’était venu le trouver qu’après le jugement, « pour savoir ce qui s’était passé en chambre du conseil » ; mais, ce jour-là, il était « gêné » et se disait « décidé à quitter l’armée ». — Enfin, à Madagascar encore, « Freystætter, a fait fusiller trente ou trente-cinq prisonniers indigènes, et ce sans ordre, sans jugement et sans enquête, après leur avoir fait rendre leurs sagaies ». Que l’homme qui a dans sa vie un tel souvenir soit « affecté » seulement d’avoir condamné Dreyfus, voilà ce que le colonel Marmier ne parvient pas à comprendre.

Il y avait quelque chose de si horrible à porter contre un soldat absent de pareilles accusations que Jouaust n’essaya pas de réprimer les murmures et que les juges se regardaient avec étonnement ; mais l’attitude des avocats les rassura : tous deux se taisaient, indignés de la déloyale agression, mais non moins inquiets de ce qu’il pouvait y avoir de vérité dans les lettres produites aux débats.

En fait, Freystætter avait été antisémite, lui aussi ; en Indo-Chine, son refus de se conformer aux instructions d’un officier de même grade, mais son ancien (le capitaine de Fitz-James), était justifié par les circonstances[1] ; à Madagascar, en janvier 1896, il n’avait pas fait fusiller des captifs, mais il avait exterminé à la baïonnette une bande de brigands, sans chercher à faire de prisonniers[2].

  1. Rapport du général Reiss.
  2. C’est ce que le résident général Laroche, qui suivait les débats, écrivit le lendemain à Jouaust. « En janvier 1890, une petite troupe de brigands épouvantait le littoral de Madagascar, entre Vatoumandre et Tamatave, assassinant les Houves, incendiant les villages. La compagnie Freystætter a surpris ces forcenés, le 20 janvier, en flagrant délit, dans un lieu où ils