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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Fritsch vint à son tour s’y attabler avec deux amis en civil à qui il montra Przyborowski. Brücker l’emmena ensuite sur le boulevard et, démasquant ses batteries, le pressa de faire un article contre Tomps au sujet de Cernuski : « Vous tenez toujours pour l’armée ? Nous allons avoir un changement de Gouvernement. Le ministre de la Guerre est une mauvaise bête, un dreyfusard. Vous aurez les 6.000 francs, mais il faut faire l’article. » Comme Przyborowski hésitait, il le quitta, lui lançant cette flèche : « Waldeck a téléphoné à Galliffet de ne pas vous donner un sou. »

Brücker parti, les deux personnes que Przyborowski avait vues au café en compagnie de Fritsch, l’abordèrent, lui dirent qu’ils étaient rédacteurs à l’Éclair et le prièrent de les y accompagner. Arrivés au journal, ils lui demandèrent avec beaucoup d’insistance de faire l’article dont Mareschal et Brücker l’avaient déjà entretenu ; il rendra « un grand service à la France » et il sera bien payé. Il s’y décida enfin, rédigea, en allemand, une petite note et reçut aussitôt dix billets de 100 francs, et, en outre, le conseil de partir le soir même pour la Belgique, car Waldeck-Rousseau était capable de tout et le ferait mettre en prison. Przyborowski trouva l’avis bon et prit le premier train[1].

L’article de l’Éclair, le jour de la rentrée des Chambres, était l’amplification de cette note de Przyborowski ; on y avait beaucoup ajouté ; « on en avait fait un éléphant[2]. »

Enfin, Fritsch tira des photographies des deux lettres de Tomps, qu’il était allé chercher à Nice, que Delanne avait classées comme étant sans importance et qui lui

  1. Enquête Atthalin, 1er  et 4 juin 1904, Przyborowski et confrontation, le 4, avec Brücker.
  2. Ibid., 4 juin 1904, Przyborowski.