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L’AMNISTIE


perdue, l’opinion les condamnait ; le courant du fleuve les emportait.

Le lendemain de la séance que nous venons de raconter, Guérin, au Sénat, déposa son rapport sur le projet du Gouvernement[1]. Pressée par le Garde des Sceaux, la Commission l’avait disjoint des autres propositions, plus anciennes, dont elle était saisie. Elle concluait simplement à « abolir les poursuites et à éteindre l’action publique à raison des faits se rattachant à l’Affaire[2] ».

Le mot d’amnistie n’était pas prononcé ; c’était la chose, le fait, sans le mot.

La veille du débat, Zola adressa « au Sénat » une lettre grandiloquente :


Vous n’aviez fait que changer les juges ; vous êtes sollicités cette fois de dire qu’il n’y a plus de juges… On nous salit en nous renvoyant dos à dos avec des bandits… Ce n’est pas nous qui recommençons l’affaire Dreyfus, qui l’utilisons pour nos besoins électoraux, qui en rebattons les oreilles de la foule afin de l’étourdir… Ce que nous voulons, c’est qu’elle finisse… J’écris simplement cette lettre pour le grand honneur de l’avoir écrite. Je fais mon devoir et je doute que vous fassiez le vôtre.


La discussion du projet de loi occupa deux séances (1er  et 2 juin).

Le vieux Clamageran parle seulement pour accomplir un devoir de conscience : « Le projet n’est pas conforme à la justice », à l’idée que les républicains d’autrefois se faisaient de la justice égale pour tous ; il ne le votera pas.

Trarieux discute au fond, en juriste. La loi sur

  1. 29 mai 1900.
  2. Rapport de Guérin.