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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


l’extinction des actions pénales est bien une seconde loi de dessaisissement : Zola et moi renvoyés de la Cour d’assises, où la preuve est de droit, à la justice civile qui est libre d’admettre ou de refuser l’enquête par témoins ; Picquart privé sans recours du jugement qu’il réclame, puisqu’il est poursuivi par le ministère public et qu’il n’y a pas de partie civile à son procès ; et les grands coupables impunis. Toute cette partie de son discours, solidement construite, fut écoutée avec beaucoup d’attention et de déférence. La fin, sur le côté politique de l’amnistie, sur l’Affaire elle-même, provoqua à droite de vives interruptions, au milieu du silence significatif des gauches.

Delpech, éloquent et violenta son ordinaire, jusqu’à dire : « Je vous déclare que je ne suis pas le moins du monde partisan de l’apaisement… », amena Mercier à la tribune.

C’était la première fois, depuis son entrée au Sénat, qu’il y paraissait, et toujours impassible, dirigeant fixe devant lui le regard de ses yeux bridés. Il ne dit que deux choses : que « ce qu’il avait fait en 1894, il l’avait fait avec la conviction intime et profonde qu’il rendait service à son pays » ; et qu’il ne discuterait pas l’amnistie, « qu’il s’en désintéressait complètement ».

On l’écouta en silence, comme on fait pour un accusé.

La discussion traîna, avec Guérin, qui défendit correctement son rapport ; Riou, Ponthier de Chamaillard, qui repoussèrent le projet, parce qu’il ne comprenait pas les condamnés de la Haute-Cour ; Maxime Lecomte qui déposa, puis retira un amendement bizarre : Amnistier Dreyfus, lui rendre son grade, le priver de son droit de se faire rendre l’honneur par un jugement[1]. — Tout cela

  1. Le vieux général Lambert raconta qu’étant à Ems, l’année