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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


rait », et il tint à le dire au Sénat, « les scrupules » des adversaires de l’amnistie, et que ces révoltes de la conscience étaient parmi « les mouvements instinctifs les plus légitimes de l’âme humaine ». Mais « l’amnistie ne juge pas, elle n’accuse pas, elle n’innocente pas, elle ne condamne pas : elle ignore, et elle ne s’inspire que de l’intérêt public ».

Il essaie alors de préciser où est l’intérêt politique, et, nécessairement, il ne le voit pas dans le fait de rester « trop fidèles ou trop rivés à certaines images », mais dans l’oubli, dans le silence sur les discordes civiles, parce qu’il n’est que temps de se remettre à l’œuvre, « en présence de l’ennemi que les républicains avaient oublié et qui, lui, ne les avait pas oubliés » et « de donner au gouvernement sa charte définitive, ses lois et ses garanties nécessaires ».

Si l’on accorde que celles des actions criminelles qui restent ouvertes ne pourraient se poursuivre que « dans le déchaînement des passions », on peut dire que, « semblable au droit, c’est des faits eux-mêmes qu’est sortie la pensée de l’amnistie ». Il ne dit pas cependant, comme on l’avait tant répété, que l’amnistie a été la condition de la grâce ; « la genèse de la loi » est autre ; en septembre, après Rennes, « le gouvernement a dû rechercher quel était son devoir au point de vue de l’humanité et son devoir au point de vue politique » ; il s’est décidé alors en même temps pour la grâce et pour l’amnistie.

Il faut effacer toutes les traces d’un douloureux conflit. « Si la grâce a pu rencontrer des contradicteurs, il faut se résigner à croire qu’un souffle mauvais a pu obscurcir pour un temps l’âme française, ce clair miroir où se reflétaient tous les sentiments généreux. »

Enfin, comme l’amnistie est dictée seulement par des