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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


sion prit la résolution la plus étrange, à savoir de ne se prononcer ni pour ni contre le projet adopté par le Sénat, mais d’inviter le gouvernement à présenter un projet d’amnistie plénière, à l’exclusion du crime de trahison. Le rapport de Déribéré-Desgardes fut déposé seulement la veille de la clôture de la session (10 juillet 1900).

Les adversaires de l’amnistie triomphèrent modestement ; ils savaient qu’un peu plus tôt, un peu plus tard, l’amnistie serait votée quand même ; et ils se contentèrent de marquer les contradictions des nationalistes et des amis de Ribot. En mai, après « le discours de Digne », il fallait l’amnistie tout de suite ; tout de suite, il fallait jeter sur l’Affaire la dernière pelletée de terre, le suprême oubli ! Ce fut le thème des élections municipales. La Chambre n’était pas en session depuis une heure que le gouvernement était sommé de faire voter l’amnistie, sans perdre un jour, par le Sénat. Avec quelle éloquence parle Ribot ! Les républicains prennent peur. Le gouvernement cède et s’empresse. Le Sénat vote comme une Cour martiale juge. Aussitôt l’amnistie n’est plus urgente. On en reparlera à l’automne !

L’offre d’une trêve des partis, pendant la fête du travail que la France donnait au monde, avait été déclarée insolente, parce que le pays, cria-t-on de toutes parts, voulait la paix définitive. En effet, il y aspirait. Or, il n’y a même pas de trêve. La démission de Delanne, celle de Jamont, attristantes pour tous ceux qui s’effrayent de l’intrusion tous les jours plus profonde de la politique dans l’armée, sont l’objet, dans les journaux de droite, de furieuses polémiques et, dans les deux Chambres, de discours virulents, où passe de nouveau comme un vent de guerre civile[1]. Les nationalistes

  1. 28 juin 1900, interpellation de Firmin laure ; 4 juillet,