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L’AMNISTIE


à la tribune, le silence se fait. Discours le 6, en réponse à Déribéré-Desgardes, contre l’amnistie des condamnés de la Haute-Cour : « L’heure n’est pas venue de livrer ce pays à de nouvelles agitations. L’amnistie n’exige pas la contrition parfaite ni même imparfaite ; quand ceux qu’on veut amnistier ont la menace à la bouche et disent que, demain, ils recommenceront, j’ai le droit de dire que le pays ne comprendrait pas un acte qui ne serait pas un acte de défense, mais un acte de défection républicaine. » — Discours le 13, contre l’amendement de Vazeille, qui excepte de l’amnistie à la fois Mercier et Picquart[1], le principal coupable et un innocent, confusion que Waldeck-Rousseau devrait signaler, qu’il accepte pour les besoins de sa thèse : « L’amnistie est faite pour les coupables, quels qu’ils puissent être, mais à une seule condition : c’est que l’intérêt public et l’intérêt général l’exigent. » — Discours le 18, où sa claire et froide parole s’échauffe ; il confesse le combat de sa raison contre son cœur : « Oh ! je sais bien à quels sentiments certains d’entre vous ont obéi. La blessure faite par certains actes ou trop arbitraires ou trop inhumains s’est rouverte et vous avez écouté seulement les inspirations de votre conscience et les conseils de votre indignation… Je ne condamnerai pas des mouvements que j’ai moi-même éprouvés et auxquels j’eusse obéi peut-être sans la conviction que, par là, je servirais mal mon parti. Mais il y a des heures où il faut se tourner vers l’avenir et regarder moins peut-être du côté où l’on croit voir les coupables que du côté d’un état de choses qui a fait ces coupables. »

Pas un adversaire républicain de l’amnistie, pour peu qu’il ne fût pas aveuglé par la passion, ne pouvait

  1. Voir p. 143.
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