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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


le moine au lendemain de l’arrêt de Revision ; je m’en étais tu, sauf dans le privé. Clemenceau, qui le connaissait par Mathieu Dreyfus et par Picquart, y fit allusion dans son journal[1] ; la Libre Parole traita son récit de « roman » ; je me trouvai dès lors dans l’obligation d’intervenir et de préciser les circonstances et le détail de l’entretien[2], mais je le fis si exactement que Du Lac ne trouva pas un mot à contester et garda le silence qui parut un aveu. — Pelletan avait alors porté l’anecdote à la tribune, avec sa verve ordinaire, mais, aussi, avec quelque grossissement qui était de sa façon romantique. J’avais rapporté ce propos du jésuite que Boisdeffre, silencieux sur l’Affaire, lui avait parlé surtout du plan de mobilisation XIII. Selon Pelletan, Boisdeffre avait « communiqué » le plan XIII à Du Lac[3], ce qui permit au jésuite de lui donner le démenti[4].

Ordinaire tactique des Pères : guetter une inexactitude de détail, s’en saisir, la retourner contre la vérité qui paraîtra mensonge.

Pressensé ne dépassait ni son droit ni les convenances en nommant Du Lac comme le type du moine politique, mais il retomba à l’erreur de Pelletan, ajouta, et fort inutilement, que le jésuite, confesseur de Mme Monnier, l’avait dénoncée au général de Pellieux comme étant « la dame voilée ». Or, Du Lac n’avait parlé d’elle qu’à Boisdeffre[5]. Quand l’accusation s’était produite pour

  1. Bloc du 26 janvier 1901.
  2. Figaro du 28. — Voir t. V, 145 et suiv.
  3. Chambre des députés, séance du 11 mars 1901.
  4. Pelletan avait précédemment relaté le propos, dans le Matin, avec la même inexactitude. Je rétablis aussitôt la vérité dans une lettre à l’Agence Nationale : « Il vaudrait mieux ne pas prendre un plan de mobilisation pour une carte et il faut tâcher d’être rigoureusement véridique. » (2 février 1901.)
  5. Voir t. II, 574 ; III, 520 et 619.