Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Il avait la mort en lui, un cancer du foie, le savait, espérait, haïssait toujours.

On entendit encore Lasies sur l’éternelle dépêche Panizzardi, qu’il appelait « le faux Delcassé », et le rapporteur Beauregard sur l’élection de Syveton, « élection loyale », dit-il, et, ce qui était exact, « préparée par les élections municipales qui l’avaient précédée » ; puis l’on procéda au vote sur les conclusions de la commission qui étaient de valider le trésorier de la Patrie Française. Elles furent repoussées à plus de cinquante voix de majorité[1] ; le président prononça, en conséquence, l’annulation des opérations électorales.

La sagesse aurait été de s’en tenir là. La trouée faite dans le jugement de Rennes, Syveton invalidé, André annonçant une enquête administrative sur tout ce qu’il y avait encore d’obscur dans l’Affaire, la revision ainsi amorcée, c’était un succès d’autant plus inespéré qu’il n’avait point fallu un médiocre courage au gouvernement pour consentir à prendre à son compte la recherche de la vérité définitive. Mais Jaurès, dans la griserie de la victoire, ne fit point ces réflexions et voulut pousser son avantage, associer, lier par un vote la majorité républicaine aux promesses d’André et de Combes. Il déposa un ordre du jour portant que « la Chambre prenait acte des déclarations du gouvernement ». Brisson le signa avec lui[2]. Combes l’accepta.

C’était trop demander à la Chambre, aux deux cents radicaux qui s’étaient tant inquiétés de son intervention, à qui commençait à peser sa dictature oratoire, sa main-mise sur le ministère.

  1. Par 281 voix contre 228. Les ministres, contrairement à l’usage, prirent part au vote, pour l’invalidation.
  2. L’ordre du jour fut signé également de Maujan, Charles Bos, Gouzy et Godet.