Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
251
L’ENQUÊTE


lumière et l’obscurité alternaient chez lui ; Clemenceau, durement, l’appelait « une intelligence à éclipses[1] ».

La première besogne, qui l’arrêta assez longtemps, fut de reconstituer le dossier de l’Affaire et celui des affaires connexes. On croyait, et il avait dit à la Chambre, que ces dossiers avaient été mis sous scellés après le procès de Rennes. Au contraire, ils avaient été dispersés à travers tout le ministère, où il fallut que Targe entreprît de véritables fouilles pour les ravoir. André dit du jeune capitaine « qu’il était doué d’une audace tactile qui lui permit de ne pas s’arrêter devant les tiroirs les mieux clos et les plus hiérarchiques[2] ». Targe bouscula tout, finalement rapporta à André non seulement toutes les pièces qui avaient fait le voyage de Rennes, mais encore quelques autres qu’Henry d’abord, puis Gonse, Cuignet et Rollin avaient dissimulées parce qu’elles étaient favorables à Dreyfus. — C’étaient, notamment, le récit, par le commandant de Fontenillat, de sa conversation, en novembre 1897, avec Panizzardi, quand l’attaché italien lui engagea sa parole de soldat que ni Schwarzkoppen ni lui n’avaient jamais eu de rapport avec Dreyfus ; — une lettre de Lajoux à Henry, d’avril 1895, lui envoyant de Berlin le signalement du principal agent de Schwarzkoppen à Paris, signalement inapplicable à Dreyfus et qui évoquait les traits caractéristiques d’Esterhazy : — et trois notes de Schwarzkoppen sur le trafic des plans directeurs ; il les payait 20 francs la feuille ; le trafic avait commencé en 1892, avant que Dreyfus n’entrât au ministère, et s’était poursuivi après sa condamnation[3].

  1. Aurore du 1er  décembre 1903.
  2. Cinq ans, 244.
  3. Cass., IV, 405, André ; déposition de Targe, du 21 mars 1904. — Voir t. IV, 477 ; t. V, 245, 302, etc.