Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
266
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Il eût suffi à André de se reporter à l’interrogatoire d’Henry par Cavaignac pour y trouver l’explication des « invraisemblances, » dont la « découverte » le conduisait à cette extravagante hypothèse. — Si « les déchirures des fragments qui comprennent la signature (Alexandrine) et l’en-tête (mon cher ami) sont différentes de celles des autres fragments » et si elles sont « faites au canif », c’est, de l’aveu même d’Henry, qu’il a pris ces fragments à une lettre authentique et banale de Panizzardi qui faisait partie du dernier butin de la Bastian[1]. — Si le canif a coupé trop court la queue de l’i du mot ami, quoi d’étonnant que l’artiste en faux l’ait prolongée d’un ou de deux millimètres sur le fragment adjacent ? — Il semble à André que l’en-tête et la signature de la pièce de comparaison ont été calqués sur l’en-tête et la signature du faux principal. Si Henry, le jour où il a forgé ces deux faux, n’a eu à sa disposition qu’un en-tête et qu’une signature authentiques, il n’a pas pu faire autrement que de les calquer pour l’une des deux lettres. S’il en a eu deux, au contraire, ceux de la lettre récente de l’attaché italien et ceux d’une lettre plus ancienne, qui

    dans le but probable de rendre le faux plus éclatant aux yeux de tous. » (Cour de cassation, 13 juin 1904, Targe.)

  1. « Cavaignac : La pièce de 1896 était-elle signée ? — Henry : Je ne peux pas avoir fait la signature… — Tout ce que vous avez pu recevoir c’est l’en-tête et la signature. — J’ai eu la première partie. — Ou Vous n’avez reçu rien du tout. — J’ai reçu la première partie, l’en-tête et la signature. — Ce n’est pas possible… Dites ce qui est. Vous avez reçu l’enveloppe et l’en-tête. — Oui, j’ai reçu l’enveloppe et l’en-tête. — Qu’y avait-il ? Rien que « Mon cher ami » ? — Je vous le dis : la première partie. — Il n’y avait rien que « mon cher ami », ou une autre lettre que vous avez supprimée… — Voici ce qui est arrivé ; j’ai reçu l’en-tête et quelques mots. — Quels mots ? — D’autres choses qui n’avaient pas trait à l’affaire. » — Voir t. IV, 186 et suiv.