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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


taires étrangers, il s’arma de notre réponse contre nous. — S’il s’est heurté lui-même au refus direct de l’Empereur allemand, quand il a demandé à Berlin quelques-unes des pièces énumérées au bordereau, à plus forte raison serons-nous déboutés ; ni Schwarzkoppen, ni Panizzardi, ni même le russe Rosen n’obtiendront de leurs gouvernements l’autorisation de venir déposer à Paris ou de s’expliquer sur nos commissions rogatoires ; nos procès, merveilleusement propres à faire revivre au milieu d’une nouvelle agitation tout le drame, seront impuissants à en accélérer le dénouement. Non moins convaincu de l’innocence de Dreyfus que nous-mêmes et non moins désireux de lui voir rendre un jour tout son honneur, Waldeck-Rousseau a réfléchi plus que nous aux causes profondes qui ont soulevé beaucoup plus de la moitié de la France contre la revision et arraché aux juges de Rennes la condamnation du malheureux. Il n’en faut accuser que le déchaînement des passions qui ont obscurci la claire intelligence française et l’obscurcissent encore. Pour que l’affaire puisse être utilement et définitivement jugée, il ne suffit pas d’un fait nouveau arraché à quelque témoin ou découvert par hasard ; il faut encore que la nouvelle revision s’engage dans une atmosphère épurée, dans le calme et le silence. Or, ce calme nécessaire à la manifestation victorieuse de la vérité ne peut venir que du temps. Les passions, qui sommeillent depuis la grâce, se réveilleront plus violentes si les anciennes actions criminelles sont rouvertes, surtout si Mercier est traduit devant la Haute-Cour. Aussi bien la condamnation de Mercier n’est-elle rien moins que certaine. Mercier, en communiquant aux juges de 1894 un dossier secret, en frappant l’accusé par derrière et dans l’ombre, a commis un acte abominable ; mais il alléguera que