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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Mais Mornard, sans s’arrêter à ce geste ni à la surprise de la Cour et du public :


… Ils pourraient vous dire qu’en l’une des audiences à huis clos, alors que tous les yeux se mouillaient de larmes à la lecture des lettres du capitaine Dreyfus, seul à peu près l’accusé était parvenu à se maîtriser ; et, le soir même, il se félicitait, comme d’une victoire, devant ses défenseurs, de ce que, si des larmes avaient été versées à l’audience du conseil de guerre, pas une du moins n’était tombée de sa paupière.

Voilà l’homme ![1]


Pendant que Mornard achevait ce récit d’où rayonnait la vérité sur la vie intérieure de Dreyfus, Labori arpentait la galerie, où il fut bientôt entouré et félicité par tout ce qu’il y avait au Palais d’avocats antisémites et nationalistes. Il se défendit de mettre en doute l’innocence de son ancien client ; il en était toujours convaincu, mais il fallait distinguer « entre la cause et l’homme ». Quand Mornard « a fait solennellement un appel imprévu à son témoignage en faveur du cœur et de la sensibilité d’Alfred Dreyfus », il n’a voulu « ni confirmer ces déclarations par son silence ni les infirmer par une protestation ». « Je suis sorti et voilà tout[2]. »

La Cour rendit ce même jour son arrêt ; elle déclara

    transigeant du 6, etc. — « Pendant tout le temps qu’a duré le délibéré de la Cour, Labori s’est promené amicalement avec Picquart qui a approuvé sa conduite dans la circonstance. » (Journal.)

  1. Cass., IV, 250, Mornard.
  2. Labori, lettre du 7 mars 1904 au Nouvelliste de Rennes : « À tous ceux qui me questionnèrent, à la suspension d’audience, j’ai déclaré ceci… » (Cass., IV, 647.) — L’Aurore, qui avait fait le silence sur l’incident, reproduisit la lettre de Labori.