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L’AMNISTIE


nécessaire contre les partis d’Église et de dictature ? Comment poursuivre l’entreprise, à peine ébauchée, de défense, d’action républicaine ? Il faut donc donner un autre axe à la politique, ajourner, sinon éliminer, Dreyfus. Il le faut d’autant plus que les meneurs nationalistes, les fortes têtes du parti clérical, les amis de Mercier, tous ceux qui auraient le plus pressant besoin d’être amnistiés, au contraire jouent la comédie de ne pas vouloir l’être et tiennent à l’Affaire comme à leur arme la meilleure contre la République. Une heure viendra où l’arme se retournera contre eux, les frappera, frappera l’Église en pleine poitrine. Tout ce grand mouvement qui se prépare contre la puissance catholique, contre les congrégations, sort de l’affaire ; mais ce mouvement ne peut se déployer que sur un terrain déblayé. Pour que les républicains puissent faire bloc contre les partis de réaction, c’est d’entre eux qu’il faut ôter les mots « diaboliques » qui les séparent. Si l’amnistie ne fait pas la réconciliation nationale, elle est le gage de la réconciliation républicaine, « la condition essentielle » de la tâche qui s’impose aux républicains, contre l’ennemi commun[1]. Le succès de la politique d’action, — lois contre les moines, contre la main-morte, contre l’enseignement congréganiste, réformes militaires, réformes sociales, — dont la nécessité a été démontrée par l’Affaire, n’est possible que par la suppression de l’Affaire.

Les socialistes, pour les mêmes raisons qui leur étaient communes avec le gros du parti républicain, et pour d’autres encore, qui leur étaient propres, se décidèrent également contre la continuation de l’agitation revisionniste.

  1. Chambre des députés, séance du 2 juin 1900, discours de Waldeck-Rousseau.