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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


ces choses, et Massillon, dans ces temps encore proches et déjà lointains, si sombres, mais qu’on regrettait parfois, « aurait payé son discours de son évêché[1] ».

VII

Le délibéré des Chambres réunies fut court, calme, grave. Plus de passions aux prises, plus de haines, plus de colères comme à l’ardent, au violent délibéré d’il y a sept ans. Plus de vents soufflant du dehors en tempête, troublant, enfiévrant l’atmosphère. Plus un doute, dans aucune conscience, sur l’innocence absolue de Dreyfus. Plus d’affaire Dreyfus.

Nul autre débat que sur l’annulation, avec ou sans renvoi, du jugement de Rennes, Sarrut, Bard, Tanon, les trois présidents de Chambres, se prononcèrent pour la décision au fond, n’en donnèrent que des raisons juridiques, très fortes, mais « le droit ne vaut que par son adaptation au fait[2] » ; l’un d’eux, Tanon, avait écrit : « Le but est le créateur de tout droit ; il n’est aucune règle de droit qui ne doive son origine à un motif pratique, à un but[3]. » — Moras se prononça pour le renvoi, parce que le fait incriminé, la livraison de documents, existait matériellement et que le législateur avait dit : « Si l’annulation de l’arrêt, à l’égard d’un condamné vivant ne laisse rien subsister qui puisse être qualifié

  1. Revision, II, 477, Mornard.
  2. Ibid., II, 221, Baudouin.
  3. Tanon, Évolution du droit et de la conscience sociale.