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LA REVISION


crime ou délit… », et non : « Si l’annulation de l’arrêt ne laisse rien subsister qui puisse être qualifié crime ou délit à l’égard du condamné… » L’objection parut plus spécieuse que solide, encore que le texte fût défectueux. Les auteurs de la loi de 1895 l’avaient proposée pour étendre les cas de revision ; la Cour sera juge au fond lorsque la criminalité du fait disparaîtra in rem, quant à l’objet du crime, non seulement pour l’homicide, ce qui est déjà dans le Code, mais pour tous autres crimes ou délits ; elle annulera aussi sans renvoi lorsque la criminalité disparaîtra in personam, quant au condamné lui-même ; et c’était la jurisprudence de la Cour[1]. « La cause qui fait disparaître la criminalité importe peu[2] » ; la question est de savoir si la criminalité a disparu, la Cour ayant obtenu la certitude de l’erreur.

C’est ce que dit Ballot-Beaupré, avec toute l’autorité de sa science du droit, de son impeccable probité d’esprit, du respect universel qui l’entourait. Il avait demandé à la Cour, en 1899, non « de proclamer l’innocence de Dreyfus », mais de décider « qu’un fait nouveau, de nature à l’établir », avait surgi. « Je mentirais, disait-il, à ma conscience, si je vous proposais une autre solution. » Il en proposait aujourd’hui une autre, mais dans une zone fort élargie de lumière ; il ne mentait toujours pas à sa conscience. La raison, le bon sens lui disaient que, si rien ne subsistait de l’accusation, aucun procès n’était plus possible.

La grande majorité de la Cour le suivit ; sur la décla-

  1. Chambre criminelle, 22 janvier 1898, affaire Taïeb-ben-Amar ; Chambres réunies, 19 juin 1898, affaire Rouquayrol.
  2. Garraud, Précis de Droit criminel, 837 ; de même Faidides, Gazette des Tribunaux des 24-25 octobre 1898 ; Appleton, De la cassation sans renvoi, 6 et 7, etc.