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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


sition très spéciale dans la grande querelle qui recommence et dont les événements le font momentanément l’arbitre. Pour qui n’a pas pénétré à ce tréfond de sa pensée où continue à brûler la petite lampe de l’autel, sa politique est contradictoire. — Ayant des yeux « unitaires », comme la plupart des Français, au dire des Italiens, il déclare intolérables la coexistence de deux jeunesses, « moins séparées par leur condition sociale que par l’éducation qu’elles reçoivent », celle de deux sociétés, « l’une, de plus en plus démocratique, emportée par le large courant de la Révolution ; l’autre, de plus en plus imbue de doctrines qu’on pouvait croire ne pas avoir survécu au grand mouvement du dix-huitième siècle, et destinées un jour à se heurter[1] ». De l’école des grands légistes français qui n’ont jamais admis la constitution de communautés ecclésiastiques « sans la permission expresse du roi », il ne condamne pas seulement la mainmorte « parce qu’elle menace le principe de la circulation des biens », mais parce qu’elle permet « la constitution dans l’État d’une puissance rivale » dont elle est le formidable et inépuisable budget. Obstinément concordataire, parce qu’il tient que le Concordat garantit à la fois les droits incontestables de l’État et « les droits indéniés de la conscience », il tire argument autant du Concordat que du Code Civil contre les congrégations, parce que le grand statut napoléonien « a réservé au clergé séculier et hiérarchisé, soumis au contrôle de l’État, et la célébration du culte, et la préparation aux fonctions ecclésiastiques, et la prédication dans les églises ». Mais il est préoccupé aussi du tort que l’Église, que la religion éprouvent du fait des congrégations, des

  1. Discours du 28 octobre 1900, à Toulouse.