Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/49

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L’AMNISTIE


« moines ligueurs » et des « moines d’affaires », des dévotions grossières dont ils font commerce, de leurs prédications offensantes pour le bon sens et provocatrices, de la bassesse ou de la violence de leurs journaux, de leurs perpétuelles incursions à main armée dans la politique. Ainsi, ce n’est pas seulement dans l’intérêt de l’État laïque et de la société civile qu’il veut supprimer toutes celles des congrégations qui ne sont pas protégées par des droits acquis ; c’est encore dans l’intérêt des séculiers, de l’Église et de la religion elle-même. Débarrasser l’Église des congrégations qui l’exploitent et la compromettent, la ramener à la stricte pratique du Concordat, c’est, à ses yeux, la condition première de la réforme libérale du catholicisme. Affranchis de la tyrannie des moines, les prêtres se consacreront exclusivement à leur mission de consolation spirituelle, « l’Église restera l’Église[1] » ; « le mariage de raison entre l’État et l’Église » ne sera plus troublé, ce mariage qui était apparu à Gambetta comme une possibilité souhaitable, le soir même de l’élévation de Léon XIII au pontificat[2] ; la religion, nécessaire encore pendant longtemps à des millions de Français, ne risquera plus de subir les représailles que ses imprudentes ou détestables milices déchaînent périodiquement contre elle.

Il ne le dit pas — ou, du moins, il ne le dit pas avec cette netteté — parce que les catholiques, à l’exception de quelques esprits réfléchis et clairvoyants, le taxeraient d’hypocrisie, et parce que le gros des républicains qui, eux, visent l’immuable Église, et, même, la religion, au travers des moines, s’alarmeraient de cette sollicitude comme d’une illusion périlleuse ou d’une

  1. Discours de Gambetta à Lille, 6 février 1876.
  2. Lettre à Mme Léonie Léon.