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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


déshonore la République comme vous déshonorez la France ! » Il fallut l’enlever. Du seuil de la salle, il cria encore à Fallières : « Je ne respecte que vous ici, et encore vous présidez une Assemblée de gredins qui vous font peur. »

La Cour le condamna séance tenante à deux ans de prison et prononça son exclusion des débats jusqu’au réquisitoire (20 décembre).

Barrès, qui feint d’admirer très fort ces imprécations de Déroulède, observe cependant : « Je vous dis qu’il possède de naissance la notion du ridicule, mais qu’il se hausse jusqu’au courage de braver le ridicule[1]. »

Les débats furent clos le 26. Bernard commença son réquisitoire en déclarant qu’il abandonnait l’accusation contre Brunet et Cailly, du groupe antisémite, Baillière, et trois royalistes, Chevilly, Fréchencourt et Bourmont. Ils étaient acquittés d’avance faute de charges convaincantes ; un triage plus sévère parmi les inculpés aurait pu les faire relâcher plus tôt.

Le réquisitoire et les plaidoiries achevés, et chacun des accusés ayant une dernière fois repris la parole, la Haute-Cour passa deux grandes journées à rendre son arrêt (2 et 3 janvier 1900). Engagés comme ils l’étaient dans la bataille des partis, outragés comme ils l’avaient été depuis deux mois, ses membres auraient pu céder quelque chose à la colère ; ils n’en firent rien, mirent leur honneur à être des juges, rien que des juges, non seulement impartiaux, mais indulgents. Ils acquittèrent Barillier à la presque unanimité, Sabran et de Ramel à la majorité, Godefroy, Dubuc et de Vaux à la minorité de faveur, et ne condamnèrent que Buffet, Déroulède et Guérin, Sur le chef du complot, et en

  1. Scènes et Doctrines, 263.