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LE BORDEREAU


rentré au ministère que Gobert rencontra, parmi les pièces du dossier, des indications telles qu’il lui suffit d’ouvrir un annuaire pour savoir que l’officier s’appelait Dreyfus.

Il s’y trouvait, en effet, la feuille signalétique de l’accusé, écrite par lui-même. Gonse, la veille, avait dit à Gobert qu’il s’agissait d’un officier d’artillerie. Du Paty avait découpé dans la feuille les nom et prénom de Dreyfus, mais avait laissé sa date de naissance, 10 octobre 1859, ses dates de promotion aux grades de sous-lieutenant, de lieutenant et de capitaine.

Un enfant, avec la date de la dernière promotion et l’indication de l’arme, aurait eu le nom.

Dans l’Annuaire pour 1894, publié chez Berger-Levrault, on prend, à la page 547, la liste des officiers d’artillerie par ancienneté de grade. On descend jusqu’à la page 568 ; on y lit, en tête de la promotion du 12 septembre 1889 : « 182. Dreyfus (Alfred), br., 14e régiment, stagiaire à l’État-Major de l’armée (1er bureau). »

Comme contrôle, on prend, dans les annuaires précédents, les listes de promotion pour les grades de lieutenant et de sous-lieutenant.

Gonse s’irrita des scrupules de Gobert, de son manque de complaisance. La rencontre de cet honnête homme n’était pas prévue. Mais, comme l’arrestation de Dreyfus avait été décidée de la veille, Gonse s’occupa ce même jour, pour ne pas perdre de temps, à en régler, avec Du Paty, la mise en scène.

    nié par l’expert (Ibid.), où le bordereau avait été pris. — On verra plus loin le parti que Mercier, Du Paty, D’Ormescheville ont tiré de l’incident et les accusations dont Gobert fut l’objet de leur part, jusqu’au procès de Rennes. Si Gobert avait conclu à la culpabilité, l’incident n’eût jamais été relevé.