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L’ARRESTATION

mis susceptibles d’avoir par machination établi les documents saisis et qui ont motivé votre arrestation ? — Je ne me connais pas d’ennemis. »

Il ne se rappelait que l’ordinaire courtoisie de ses camarades, oubliait ce détail que tous, en arrivant au bureau, déployaient, sous ses yeux, la Libre Parole et s’en repaissaient.

« Avez-vous été en voyage d’État-Major et à quelle époque ? — Dans la deuxième quinzaine de juin. »

Du coup, le bordereau, arrivé en septembre, est inapplicable. Dreyfus, s’il le voyait, expliquerait tout de suite, devant Cochefert, la cruelle méprise. Quelle connaissance a-t-il eue de documents sur les troupes de couverture et sur Madagascar, du manuel de tir, — c’est le bordereau, — du plan de concentration et de celui de débarquement ? Dreyfus répond qu’il a eu entre les mains des documents secrets sur la couverture, qu’il ignore tout du reste. « Avez-vous eu des relations avec la section technique de l’artillerie ? — Oui, deux fois. »

C’est tout. Du Paty passe Dreyfus à Cochefert.

Le ministre, Boisdeffre et Gonse, deux ou trois officiers supérieurs avec qui Cochefert a conféré, lui ont affirmé que Dreyfus a été l’objet d’une longue enquête, que des présomptions graves ont été réunies d’ancienne date contre lui, que le bordereau a été reçu par Schwarzkoppen avant d’être jeté au rebut, que plusieurs pièces, de sa main, prouvaient son crime. C’est le contraire de la vérité. Mais Cochefert a cru ces soldats ; il répète leurs propos[1], adjure l’accusé d’avouer, suggé-

  1. « Une longue enquête a été faite contre vous par les soins de l’autorité militaire, à la suite des présomptions graves qui avaient été relevées d’abord contre vous, et cette longue enquête a enfin abouti à des preuves indiscutables dont il vous sera