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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


rant que peut-être il a confié à une femme des documents militaires. À nouveau, Dreyfus jure qu’il est absolument innocent, qu’il n’a jamais commis ni la moindre faute ni un acte de légèreté. « Si les faits qu’on me reproche étaient établis, je serais un misérable et un lâche[1]… Je veux vivre pour établir mon innocence. »

Alors, Du Paty entr’ouvre la porte et appelant Henry : « Commandant, vous n’avez plus qu’à conduire le capitaine Dreyfus au Cherche-Midi. »

Et Henry entraîne sa proie.

VI

Les instructions de Mercier ne comportaient pas de réserve ; sa fatuité à ne jamais revenir sur un ordre était si connue que Du Paty ne songea même pas à lui rendre compte, avant d’expédier le capitaine au Cherche-Midi. Il était porteur de l’ordre de perquisition, Henry de l’ordre d’écrou. Ils se rendirent tous deux, sans perdre une minute, à leur besogne[2].

L’incarcération de Dreyfus avait été si formellement

    donné connaissance au cours de l’instruction… Des pièces écrites de votre main, ainsi qu’il a été constaté par des expertises, sont au pouvoir de l’autorité militaire ; ces pièces, ou tout au moins l’une de ces pièces, est parvenue à une personne étrangère à laquelle elle était destinée, et elle donne les indications sur la défense militaire de notre territoire. » (Cass., I, 8.) Procès-verbal signé : Cochefert, Boussard, Du Paty et Gribelin.

  1. Il dit encore : « Je vois qu’un plan épouvantable a été préparé contre moi dans un but qui ne m’apparaît pas. »
  2. Mercier prétend que « Dreyfus fut tenu en état d’arrestation dans l’un des bureaux du ministère » et qu’il n’ordonna de l’incarcérer qu’après avoir reçu le rapport de Cochefert. (Cass., I, 5 ; Rennes, I, 90.) Mais ce récit est démenti par Cochefert, Du Paty et Gribelin. — Voir Appendice IV.