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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


les positions les plus variées : assis et debout, la main nue ; puis assis et debout, la main gantée ; assis et debout, la main nue, avec une plume de ronde ; assis et debout, la main gantée, avec une plume de ronde[1]. Il dictait aussi des phrases allemandes, des conjugaisons de verbes. Dreyfus se demandait s’il n’avait pas affaire à un fou ; mais son écriture restait pareille à elle-même et, même dans les pages écrites d’une main gantée, toujours aussi différente de celle du bordereau.

Cette expérience terminée. Du Paty déclare à Dreyfus que la certitude du ministère est absolue : « Nous savons que des documents sont parvenus à un agent d’une puissance étrangère ; ils ne peuvent émaner que d’un officier d’État-Major qui est allé aux manœuvres au moment où la lettre, annonçant les documents, a été écrite. » Puis ces quelques questions : « A-t-il fait faire des copies de certains cours de l’École de guerre ? — Non. — A-t-il eu des relations avec les attachés militaires, à Paris, des puissances étrangères ? — Jamais. Je suis allé à l’ambassade d’Allemagne, dans les premiers jours de décembre 1893, pour solliciter un permis de séjour à Mulhouse, à l’occasion de la mort de mon père. »

Si Dreyfus avait été un espion aux gages de l’Allemagne, toutes facilités lui eussent été données pour aller en Alsace. Or, ce permis de cinq jours est le seul qui lui ait été accordé[2]. Pendant sept ans, toutes ses demandes de passeport ont été refusées. S’il est allé à Mulhouse, trois fois, c’est en cachette, passant par Bâle ;

  1. Interrogatoire du 18 octobre. — Je raconte ces interrogatoires d’après les copies des pièces originales du dossier de 1894 ; ces documents m’ont été communiqués par le capitaine Dreyfus.
  2. Note officielle publiée par la Strassburger Post (Agence Havas du 10 janvier 1898).