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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

XI

Il s’était mis à la besogne le 15 au soir. Cinq jours après, le 20, il avait inventé sa théorie de l’autoforgerie[1].

C’était Dreyfus lui-même qui avait, dans la lettre saisie, contrefait sa propre écriture, selon un procédé particulier, afin de se ménager la double possibilité, soit d’alléguer d’une pièce forgée, soit de dénier le graphisme accusateur.

Ainsi se vérifient et la conclusion et la réserve de la première expertise de Bertillon qui, tout de suite, avec l’œil du génie, a entrevu toute la vérité ! Ainsi, à quelque système de défense que s’arrêtera Dreyfus, l’État-Major sera armé pour lui répondre.

Bertillon, dans son rapport, ne donne que le principe de sa découverte. Il passera, par la suite, de longues veilles à le développer, s’hypnotisant devant sa folie.

Il l’expose, sur un ton doctoral, dans un jargon barbare.

Dès le début de ses recherches, il a reconnu l’identité des écritures qui lui avaient été communiquées, identité si parfaite qu’il en a été troublé :

Par quel plan machiavélique ce criminel comptait-il se défendre en cas de découverte, car il était inadmissible qu’il ne se fût pas ménagé une retraite, pratique ou non ? Pourquoi, par exemple, n’avait-il pas employé l’écriture renversée, ou l’écriture de la main gauche, ou l’écriture avec un gant ? Et pourquoi l’emploi du papier pelure qui

  1. Rapport de Bertillon au préfet de police. (Dossier de 1894.)