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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


« Si ces pièces sont soustraites aux débats, il est à présumer qu’on les publiera. Que les complices du traître se le tiennent pour dit. On ne peut que féliciter Mercier de sa prudence. Bien joué[1] ! »,

Comme Hanotaux n’avait rien remis à l’ambassadeur allemand, le sens du compliment parut clair à Mercier. L’annonce de la publication des pièces secrètes, inconnues d’Hanotaux et des autres ministres, connues de Boisdeffre et d’Henry, était à son adresse.

Et, comme Mercier hésite encore, la Libre Parole insiste. Elle raconte que le désarroi est au camp d’Israël depuis qu’il a été révélé que Mercier a gardé la photographie des pièces du dossier. (Non pas, apparemment, du dossier judiciaire qui, depuis dix jours, a été communiqué à Demange, mais du dossier secret.) « Les juifs s’aperçoivent aujourd’hui qu’un acquittement, obtenu grâce à une suppression de pièce, serait pire pour eux qu’une condamnation, puisque cette pièce serait, dès le lendemain peut-être, livrée à la publicité. » Suivant son ironie, le journaliste félicite à nouveau Mercier « de sa prudence ». « Les juifs ont trouvé plus malin qu’eux[2]. »

Mercier, pour la seconde fois, capitula, promit qu’à tout prix il serait vainqueur. Ce fut, probablement, le 12, à en juger par le changement immédiat de ton dans la Libre Parole.

Dès le 13, le journal de Drumont divise hardiment la presse en deux camps : pour Dreyfus ou pour Mercier. « Les juifs ont tant fait qu’il est des gens qui se demandent si ce n’est pas le ministre de la Guerre qui est le traître, et le capitaine juif qui est le ferme pa-

  1. 10 décembre.
  2. 11 décembre.