Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
356
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Affaires étrangères, qui l’avait étudiée quand elle avait été interceptée, l’avait attribuée à Panizzardi, et Sandherr avait maintenu cette attribution, malgré l’invraisemblance que l’espion eût porté à l’Italien, pour l’Allemand, les plans de Nice[1].

L’esprit critique de Du Paty ne s’étonna ni de cela, ni de rien. Il a été vérifié que ces plans de Nice sont à leur place, au service géographique. Du Paty en a été informé et le mentionne. Mais, dit-il, on n’a pas vérifié si ceux du premier bureau n’avaient pas été momentanément emportés. Or, Dreyfus a été, en 1893, au premier bureau ; il a travaillé dans la pièce où étaient déposés ces plans, et il avait le mot des serrures, qui ne fut pas changé depuis[2].

Ainsi, les chefs du premier bureau ne se seraient pas aperçus de la disparition, même momentanée, des plans ; Dreyfus, qui avait quitté ce service depuis un an, s’y serait introduit sans qu’on le sût ; et il aurait, sans être vu, emporté de l’État-Major à l’ambassade étrangère, puis rapporté au premier bureau, le gros paquet de ces cartes à grande échelle.

Mais, tranquillement, Du Paty identifie avec Dreyfus l’infime agent qui vendait, à 10 francs pièce, des plans directeurs, et qui, congédié une première fois, se présentait à nouveau comme un laquais repentant. Précédemment, en décembre ou janvier, quand Panizzardi, selon Du Paty, parlait de Dreyfus à Schwarzkoppen, il l’appelait « votre ami ». Et Du Paty trouve tout naturel que, quelques semaines après, le même Panizzardi traite

  1. Rennes, II, 511, Du Paty. — Picquart, parce qu’il avait suivi le commentaire de Du Paty, l’attribua aussi, d’abord, à Panizzardi.
  2. Revision, 111 et 112, lettre de Picquart au garde des Sceaux.