Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
443
LE PROCÈS


fausse dépêche, la lettre où il est question de Davignon) confirment seulement ce qu’elle révèle, la collaboration étroite de Panizzardi et de Schwarzkoppen, les rapports intimes du traître avec l’attaché italien.

La première impression en est saisissante pour chacun. Comme la trahison classique y paraît dans toute sa laideur, avec ses marchandages, l’avilissement de l’espion !

Il n’y a pas jusqu’à la forme vive, pittoresque, bizarre du billet, qui ne saisisse l’esprit et ne s’y grave.

Reprenez votre sang-froid, réfléchissez. Quelle vraisemblance y a-t-il que ce plat quémandeur, ce mendiant importun, soit un officier d’État-Major ? Ces douze plans directeurs, demandez quel en est le prix ? C’est pour six louis problématiques, marchandés, que Dreyfus s’en va dans une ambassade de la Triple Alliance !

Mais ces juges, ces soldats savent seulement de l’espionnage ce que la légende et Maurel leur en ont appris ; raisonnent-ils avec la raison positive ? À quoi ont-ils réfléchi ? Ont-ils songé, seulement un instant, à cette iniquité de juger un homme sur des charges qu’il ignore ? Qu’est-ce donc que la conscience d’un soldat ? Si vous ignorez ce Code, si précis, que vous allez appliquer, l’équité élémentaire ne vous dit-elle rien ? Plus que la vie, l’honneur d’un soldat est en cause. Vous, Gallet, vous, Freystætter, si l’on vous jugeait sur des charges inconnues ? Moi, un officier ! Lui, le juif, un traître !

Travail inconscient de l’idée préconçue, destructeur de la raison.

Et quel traître ! Jusqu’à l’ouverture de ce pli, il n’était accusé d’avoir trahi qu’au profit de l’Allemagne. Le nom de l’Allemagne n’avait pas été prononcé, même au huis