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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


taire de Demange dit à Mathieu : « Vous avez fait votre devoir. — Il commence ! » répondit simplement le filateur de Mulhouse. Il décida aussitôt qu’il ne quitterait plus Paris, qu’il abandonnerait toute chose pour se consacrer à la recherche de la vérité.

La veille du premier de l’an, le prisonnier écrit à sa femme : « Je pense que tu auras donné des jouets aux enfants, de la part de leur père ; il ne faut pas que ces jeunes âmes souffrent déjà de nos douleurs. »

Dans la même lettre, il lui dit qu’il a commencé à apprendre l’anglais : « Plus tard, il me faudra des ouvrages présentant exercices et corrigés en face. » Il veut occuper son cerveau ; il est sauvé.

III

La France tout entière, Paris surtout, avaient attendu dans la fièvre le verdict du conseil de guerre.

Les journaux, qui, du premier jour, avaient condamné l’accusé, s’étaient réjouis du huis clos. Ils célébrèrent Maurel, « coupant court aux volontaires imprudences de langage dont Demange espérait faire une protection à son client[1] ». Sa fermeté « a permis d’échapper aux plus graves complications[2] ». On ré-

  1. Éclair du 21 décembre 1894.
  2. Croix. — Seul, le Siècle osa reprocher à Maurel « d’avoir manqué du sang-froid et du calme qui donnent confiance dans un juge ». Yves Guyot dénonçait l’étrange caractère du procès, duel entre Mercier et Dreyfus, tremplin d’un nouveau boulangisme et terminait ainsi son article : « Le président du conseil de guerre a eu raison de dire qu’il y avait, dans ce procès, d’autres intérêts que ceux de l’accusation et de la défense ; il aurait pu ajouter : que ceux de la patrie et de la justice. » (20 décembre 1894.)