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LA DÉGRADATION


pétait ce propos d’un officier d’État-Major : « Le conseil avait à se prononcer entre le huis clos et la guerre[1]. » On racontait que l’ambassadeur d’Allemagne avait menacé Hanotaux de demander ses passe-ports, s’il était fait usage, au procès, d’un document volé dans son ambassade, terre allemande. Maurel avait fait jurer aux juges de garder un silence absolu sur les faits de la cause[2]. Tout cela ajoutait au mystère, à la légende d’une extraordinaire trahison.

Le soir, quand Dreyfus était ramené à la prison, la rue était barrée, envahie par une nuée d’agents. Le huis clos se prolongeait dans la rue[3].

Du procès, avec de telles précautions, rien qu’une obscure lueur avait filtré. On sut la liste des témoins. La pièce unique, base de l’accusation, est « une sorte de bordereau indiquant une liste de documents à livrer[4] » ; elle se termine par ces mots : « Je vais partir en manœuvres[5]. »

À défaut d’autres renseignements exacts, des mensonges circulaient, colportés ou imprimés. Les quatre experts avaient conclu que le bordereau émanait de Dreyfus, qui avait à peine dissimulé son écriture[6]. L’État-Major travaillait nuit et jour à refaire les graphiques de la mobilisation[7]. « Le préjudice causé à la France par la trahison de Dreyfus était énorme[8]. » Et l’acquittement amènerait la démission immédiate de

  1. Croix, Gil Blas, Intransigeant, Patrie, Libre Parole, etc.
  2. Mêmes journaux.
  3. Figaro du 22 décembre : « Le seul fait d’apercevoir le prisonnier, c’est encore violer la pudeur du huis clos. »
  4. Intransigeant et Autorité du 21 ; Journal du 22.
  5. Mêmes journaux.
  6. Intransigeant du 21.
  7. Gil Blas du 22.
  8. Éclair du 22.