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LA DÉGRADATION


pour vous braver[1] ! » Les radicaux, la fraction la plus considérable du centre, applaudirent cette fanfare[2].

À la première séance qui suivit la condamnation de Dreyfus[3], Mercier déposa le projet de loi sur la trahison et l’espionnage. Cédant avec joie à la sommation de l’opinion, il demande à la Chambre de rétablir pour le crime de trahison, « qui est un abominable forfait », la peine de mort « qui, seule, répond à l’énormité du crime[4] ». La Chambre applaudit bruyamment. Elle se donnait l’illusion de recondamner Dreyfus, de le condamner à mort, et se conférait ainsi un brevet de pur patriotisme.

Mercier lut seulement l’exposé de la loi. Le dispositif, en quinze articles, portait, à chaque ligne, la déportation ou l’emprisonnement pour des délits nouveaux assimilés à l’espionnage ; il rendait précaire, sous la menace de poursuites, la discussion même par la presse des choses de l’armée[5].

  1. 26 novembre.
  2. L’amendement du colonel Guérin était ainsi conçu : « Aucune unité ou fraction d’unité de la mobilisation en France ne sera envoyée à Madagascar en dehors du service du génie, de l’artillerie et des services administratifs. » Il fut repoussé par 292 voix contre 207. La minorité comprenait les socialistes, la droite et un certain nombre de républicains, Aynard, Cavaignac, Méline, Pelletan, Léon Say, Montebello, Jules Roche, général Jung, Reinach, etc. Presque tous les radicaux (Brisson, Bourgeois, Dupuy-Dutemps, Sarrien, Goblet, Chautemps) votèrent avec le Gouvernement et avec la majorité du centre.
  3. Le jour même où le conseil de guerre rendait sa sentence, Millerand interpellait Mercier au sujet d’une punition disciplinaire infligée au député Mirman (voir page 198) pour avoir, étant sous les armes, laissé figurer sa signature au bas d’un manifeste du groupe socialiste. La Chambre approuva les déclarations du ministre, « soucieux de maintenir la discipline dans l’armée ».
  4. Séance du 24 décembre.
  5. Le projet, adopté par la commission de l’armée, fut voté par la Chambre, le 6 juillet 1895 sans débat, malgré les protesta-