Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/500

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
478
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


à son banc, les yeux clignotants, les traits tirés, était très pâle.

À la reprise de la séance, Millerand essaya de démontrer que la Constitution de 1848 n’avait pas modifié l’article 74 du Code pénal, mais sans colère, sans conviction apparente, d’une parole mesurée, comme on discute un problème de droit à la conférence des avocats. Deux autres juristes, Julien Goujon et le professeur Leveillé, le réfutèrent sans peine, du même ton. La Chambre prononça l’urgence sur la proposition de Mercier.

Le lendemain, l’article de Papillaud, dans la Libre Parole, était intitulé : « Bravo, Jaurès ! »

VI

Le conseil de revision rejeta le pourvoi de Dreyfus[1] La communication secrète eût entraîné la nullité[2], mais on l’ignorait. Il n’y avait point de vice de forme. L’avocat[3] ne se présenta même pas à l’audience[4]. La condamnation était définitive.

Dreyfus en fut informé aussitôt. Il savait le rejet certain. Il était très calme, d’une grande sérénité. Depuis deux jours, il avait triomphé de lui-même. Maintenant, il avait accepté de boire le calice jusqu’à la lie. Il avait

  1. Le Conseil de revision n’a point à connaître du fond de l’affaire. (Code de justice militaire, art. 72.) Il ne peut annuler les jugements que dans cinq cas limitatifs, notamment lorsqu’il y a eu violation des formes prescrites à peine de nullité.
  2. Code de justice militaire, art. 74, 4°.
  3. Boivin-Champeaux, avocat à la Cour de cassation. Le conseil de revision était présidé par le général Gossart.
  4. 31 décembre.