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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Du Paty s’engage, si les fuites recommencent après le départ de Dreyfus, à l’en avertir[1].

Comme Du Paty parlait vivement des attachés étrangers, Dreyfus s’animant dit que ces officiers savaient, eux, qui était le coupable et, dût-il leur mettre un couteau sous la gorge, « qu’il voudrait leur arracher leur secret[2] ».

Du Paty, par son trouble, par ses promesses, par sa démarche surtout, a trahi sa propre incertitude, celle du ministre ; Dreyfus sait désormais que le doute hante ceux-là même qui l’ont fait condamner. L’émissaire de Mercier chercha à se rattraper en vantant l’expertise de Bertillon, si remarquable, d’après laquelle Dreyfus aurait calqué sa propre écriture et celle de son frère[3]. Il laissa entendre que Mme Dreyfus était sa complice, avec son frère et d’autres membres de sa famille.

Dreyfus l’interrompit : « Assez, lui dit-il, je suis innocent, et votre devoir est de poursuivre vos recherches. — Si vous êtes innocent, s’écrie Du Paty, vous êtes le plus grand des martyrs de tous les siècles ! — Oui, je suis un martyr, et j’espère que l’avenir vous le prouvera[4] ».

Sur le seuil de la porte, son dernier mot fut : « Cherchez ![5] ».

  1. Le 20 avril 1895, Dreyfus écrivit, de l’île du Diable, à Du Paty, pour lui rappeler sa promesse. (Journal inédit de Dreyfus.) Du Paty n’a jamais ni publié ni contesté cette lettre.
  2. Rennes, I, 40. Dreyfus. — Voir Appendice XVIII.
  3. Rennes, III, 513, Du Paty.
  4. Lettre à Demange. — Cass., I, 322, et Rennes, III, 107, Forzinetti.
  5. Rennes, III, 513, Du Paty.