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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


jeune commandant. Le concierge informa ces deux grands personnages que Picquart était absent et ne rentrerait que le lendemain[1]. Alors Boisdeffre donna à Gonse l’ordre d’aller lui-même, le lendemain matin, à la première heure, quérir le capitaine de la garde républicaine et l’amener chez le ministre[2].

À la même heure[3], Lebrun-Renaud racontait son entretien avec Dreyfus dans un bal public du boulevard extérieur, le Moulin-Rouge.

Déjà il en avait fait la confidence, plusieurs fois dans la journée, aux officiers de son mess, au député Chaulin-Servinière qu’il rencontra sur le boulevard[4]. Il s’amusait de son rôle. Il devenait aussi bavard que son rapport officiel à ses chefs hiérarchiques était muet[5].

Le soir, au Moulin-Rouge, il refit son récit à un journaliste. Hérisson, dit Clisson[6], qu’accompagnaient un autre journaliste, Fontbrune, et le peintre Dumont. Il était assez excité, gonflé de son importance : « C’est moi, dit-il, qui ai conduit Dreyfus du Cherche-Midi à l’École militaire[7]. » Et, sans être pressé d’aucune question, il raconta l’entretien que Clisson porta aussitôt au Figaro[8]. Il n’y fit aucune allusion aux aveux dont avaient parlé les journaux du soir[9]. S’il en avait

  1. Rennes, I, 520, Boisdeffre ; I, 549, Gonse. — « J’étais allé comme d’habitude, dépose Picquart (I, 383), passer la soirée du samedi et la matinée du dimanche, à Versailles, chez ma mère, »
  2. Rennes, I, 520, Boisdeffre ; I, 550, Gonse.
  3. Cass., I, 402, Clisson : « Je me suis rencontré avec Lebrun-Renaud vers dix heures et demie du soir. »
  4. Cass., I, 275 ; Rennes, III, 74.
  5. Cass., I, 277, Lebrun-Renaud.
  6. Cass., 402, Clisson.
  7. Ibid.
  8. Ibid., 403.
  9. Ibid.