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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


« la cynique attitude du traître[1] » ; Dreyfus persiste, à la prison de la Santé, comme au Cherche-Midi, à protester, « bien vainement du reste[2] », qu’il a été condamné à tort, « à jouer la comédie de l’innocence, même devant les siens[3] ».

Les journaux ont reçu communication de la notice individuelle qui accompagnera Dreyfus à l’île du Diable : « Dreyfus n’a exprimé aucun regret, fait aucun aveu, malgré les preuves irrécusables de sa trahison ; en conséquence, il doit être traité comme un malfaiteur endurci, tout à fait indigne de pitié[4]. » Cet état signalétique suivra le martyr au bagne, sans qu’il y soit changé une virgule. Châtiment de son refus d’avouer, le traitement impitoyable est maintenu, renforcé.

Et, puisque tous ceux qui ont été émus de son cri d’innocence sont aussi criminels que lui, les journalistes du Sabre les dénoncent avec rage. « La campagne du doute est odieuse, infâme[5]. » « Plaider la cause du traître Dreyfus, après le jugement du conseil de Guerre, est une honte, ce n’est pas français[6]. » « Si la légende pouvait s’établir qu’on a frappé un innocent, alors il faudrait regretter la solidité des barrières et la mollesse de la foule. Mieux eût valu cent fois que Dreyfus ne fût pas sorti vivant de l’École militaire et qu’il eût été écartelé sur place[7]. » « Il est honteux que des journaux aient publié des récits émouvants

  1. Libre Parole du 8 janvier 1895.
  2. Ibid. — De même Lepelletier, dans l’Écho de Paris du 9, la Croix, etc.
  3. Intransigeant du 9.
  4. Cet état signalétique parut, pour la première fois, dans le Matin du 5 ; les journaux le reproduisirent la semaine suivante.
  5. Écho de Paris du 9.
  6. Soleil du 6.
  7. Écho de Paris du 9, article d’Edmond Lepelletier.