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LA CHUTE DE MERCIER


« Aux compagnons français qui ont livré le combat d’avant-garde revient le mérite d’avoir renversé cet homme[1] ! » Toute l’Europe conservatrice s’effraya de leur victoire, n’attribuant qu’aux injures de la presse socialiste une pareille défection. L’Empereur allemand avait été informé des premiers par une dépêche. Il courut chez l’ambassadeur de France, Herbette, qui était encore couché, ne savait rien et ne put lui fournir aucune explication[2].

Le mécanisme de la Constitution fonctionna, de nouveau, avec une régularité d’horloge. Challemel-Lacour fixa au lendemain, 17, la réunion du Congrès.

Les radicaux et les socialistes portèrent Brisson. C’était sa quatrième candidature à la Présidence de la République. Les républicains se partagèrent entre Félix Faure et Waldeck-Rousseau, qui avait hésité tout le jour à céder aux instances de ses amis, et ne se décida que vers le soir, trop tard, Faure ayant déjà pris position. La droite royaliste hésitait. À la dernière heure arriva une dépêche du duc d’Orléans. Le prétendant ordonnait de voter pour Faure, qui s’était prononcé autrefois contre l’expulsion des princes. Et quelqu’un, déjà, songeait qu’il serait facile à intimider par l’opportune révélation d’un vieux drame de famille[3], à « faire marcher » par d’odieuses menaces.

Mercier n’osa pas poser ouvertement sa candidature,

  1. Vorwœrts.
  2. C’est à cette visite que fait allusion la dernière phrase de la lettre de Munster à Schwarzkoppen du 19 janvier : « Sa visite à Herbette a causé un grand émoi. »
  3. Un notaire de Tours, Belluot, avait été condamné par contumace, en 1843, pour des détournements et des faux. Il s’était enfui, laissant sa femme enceinte de l’enfant qui était devenue Mme Félix Faure. La Libre Parole révéla cette histoire dans son numéro du 11 décembre 1895. Elle en annonça d’autres.